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dimanche 19 juin 2016

conte en patois : le caquillon

Voici une compilation des histoires paysannes que racontait Louise Livet (qui, pour la plupart, sont inspirées ou copiées des « Contes de Jean-Pierre » du poète Louis Mercier). Je ne sais pas si elle en a inventées et écrites elle-même.

Il s'agit de contes relatant la vie paysanne du canton de Belmont de la Loire, dans la région de Roanne dans la Loire (42), dans la première moitié du XX eme siècle. Louise Livet demeurait à Sevelinges. A l'origine tous ces contes sont issus de la tradition orale en patois local, une variante du franco-provençale.
C'est pourquoi les retranscrire est un exercice difficile : il ne faut pas faire trop attention à la concordance des temps, aux changements de narrateur ou de sujet. De nombreux mots ou expressions sont directement tirés de cette langue et n'existent pas en français.

Louise Livet fût une conteuse exceptionnelle en patois jusqu'à sa mort en 2016. Ses cahiers, entièrement écrits à la main, cumulent sans doute près de 300 contes.
Ces petites histoires sont avant tout un témoignage drôle et fidèle de la vie quotidienne des gens à cet endroit là du monde à ce moment là de l'histoire...
 

16. Le caquillon



Pour Noël les 4 filleuls de la Tiennette allaient la voir pour lui souhaiter sa fête et en même temps la bonne année. La Tiennette est une vieille fille toute seule au fond du bourg avec ses poules et ses lapins. Elle est d'une avarice, dès qu'elle a vendu une douzaine d'oeufs elle porte les sous chez le notaire pour empiler les intérêts.
Les 4 Tienne sont tous cousins et neveux par dessus le marché de la Tiennette il y a le Tienne Roche, le Tienne Pelletier, le Tienne Dubuis, le Tienne Fenouyet. C'est pourquoi ils tenaient tous à l'héritage, pour Noël ils lui portaient chacun un cadeau, tantôt un panier de fromage, tantôt un panier de châtaignes, une fricassée de boudin, une poule, un peu de beurre. Ils étaient jaloux entre eux quand la Tiennette en remerciait un plus que les autres. Le Tienne Roche plus malin dit aux autres : « Vous ne savez pas à quoi j'ai pensé pour les étrennes de la tante, au lieu de lui donner chacun une affaire, nous lui donnerons tous la même chose. La tante ne pourra pas dire que les uns l'aiment mieux que les autres.

- Oui mais qu'est-ce qu'on pourrait lui donner ? Dirent les autres Tienne.
- J'ai pensé qu'on pourrait lui offrir un caquillon de vin, j'en ai justement un qui fera l'affaire ; nous mettrons chacun 10 litres, comme elle en boit guère elle en aura pour son hiver.
    Tous d'accord. Le Tienne Roche rinça le caquillon, va pour garnir sa part, il avait justement une feuillette qui commençait à prendre un goût, c'était bien pour cela qu'il avait pensé le faire boire à la tante, mais son vin c'était du vinaigre ! Que faire, prendre dans les autres tonneaux ? Si l'année qui vient il n'y avait point de vin ? Le Tiennette trouve toujours le vin trop fort, et qu'elle y met toujours la moitié d'eau, autant la mettre tout de suite, d'ailleurs je fournis le caquillon les autres peuvent bien fournir le vin ! Il alla au puits et tira un bon seau d'eau qu'il flanque dans le caquillon et emmena le caquillon au Tienne Pelletier. « T'y mettras ta part et tu feras passer à Fenouyet ».

    Le même soir il descendit le caquillon à la cave, quel vin vais-je y mettre ? Il tapote ses tonneaux le 1er le 2eme le 3eme et le 4eme aussi, il lui en restait à peine pour passer l'hiver. « Enfin je vais toujours en tirer un litre faut bien que je goûte ce vin s'il est bon », il se tourna la bouteille sur le nez, quand il s'arrêta il ne restait pas lourd dans la bouteille. C'est pas possible que je donne 10 litres de ce vin à la tante qui me laissera peut être pas un bout d'héritage ! Bah, je vais mettre de l'eau, elle n'y connaîtra rien ! Il va au puits, il tira un bon seau d'eau qu'il flanqua dans le caquillon. Et les 2 autres (qui n'avaient pas de vin du reste) firent la même chose. Ils aimaient mieux se le passer dans le gosier que de le verser dans le caquillon de la tante.

    Voila que la veille de Noël il firent passer le caquillon chez la tante et après les vêpres du jour de Noël les 4 Tienne se dirigèrent chez la Tiennette. Quand ils arrivèrent vers la tante qui était assise à côté de son poêle qu'on voyait à peine dans le noir : « Bonjour marraine je vous souhaite une bonne fête, une bonne année, une parfaite santé et le paradis à la fin de vos jours » dit le Tienne Roche, et tous répétaient la même chanson. « Oui oui répondit la Tiennette assez embarrassée, assez souhaité ! » Une fois assis la Tiennette se plaignait de tout espèces de misères, de rhume, ses fermiers ne la payaient pas, ses poules faisaient point d'oeufs. Et dit : « Il faut bien goûter le vin que vous m'avez envoyé. » Ils se disaient chacun pour leur compte « il sera probablement un peu plat ce vin ». Elle dit au Tienne Roche : « Va donc percer le caquillon et t'en ramèneras un pot ».

    Il va mettre le robinet et tira dans le pot. Qu'il est petit ce vin, mais c'est de l'eau claire ! C'est pas possible que ce soit du vin ! La tante va faire joli ! Qu'est-ce que je vais faire ?! Il regarda de tous les côtés s'il y avait un autre tonneau pour tirer 1 litre. Il y avait que quelques pommes de terre dans un coin. Il remonta avec le pot qu'il posa sur la table comme s'il lui avait brûlé les doigts. « Il faut que j'aille dehors ça presse ! » La Tiennette qu'avait sorti des verres se met à verser, « Tiens dit-elle je ne savais pas que c'était du vin blanc ! » Quand ils ont goûté ils passèrent la porte comme s'ils avaient le feu dans leurs culottes. Tas de mandrilles ! Quenelles ! Vous m'avez envoyé un caquillon d'eau ! Tas de vermine, de brigands, tas de voleurs ! A la porte elle criait pire que jamais « Tas de brigands ! » De cette affaire les Tienne ne se parlaient plus. La Tiennette a fait son testament où elle a tout donné sa fortune à l'hôpital.


    dimanche 12 juin 2016

    conte en patois : le Mâ



    Voici une compilation des histoires paysannes que racontait Louise Livet (qui, pour la plupart, sont inspirées ou copiées des « Contes de Jean-Pierre » du poète Louis Mercier). Je ne sais pas si elle en a inventées et écrites elle-même.

    Il s'agit de contes relatant la vie paysanne du canton de Belmont de la Loire, dans la région de Roanne dans la Loire (42), dans la première moitié du XX eme siècle. Louise Livet demeurait à Sevelinges. A l'origine tous ces contes sont issus de la tradition orale en patois local, une variante du franco-provençale.
    C'est pourquoi les retranscrire est un exercice difficile : il ne faut pas faire trop attention à la concordance des temps, aux changements de narrateur ou de sujet. De nombreux mots ou expressions sont directement tirés de cette langue et n'existent pas en français.

    Louise Livet fût une conteuse exceptionnelle en patois jusqu'à sa mort en 2016. Ses cahiers, entièrement écrits à la main, cumulent sans doute près de 300 contes.
    Ces petites histoires sont avant tout un témoignage drôle et fidèle de la vie quotidienne des gens à cet endroit là du monde à ce moment là de l'histoire...

    15. Le Mâ

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    Tous les ans la veille du 1er mai les jeunes de chez nous se rassemblent par bandes pour chanter le mois. Dans cette bande de jeunes il y avait le Benoît Lantere (qu'on appelait comme ça car il n'était jamais pressé), le « crégnoule » aussi qu'était toujours après se démortsaquer, « la cliquette » à cause de son dentier que claqueu toutes les fois qu'il parleu, et puis « le grebi » qu'avait la peau toute rebit, le grand Dédé qu'était aussi grand qu'un jour sans pain, le raguenet à cause qu'il n'avait pas grandi, et d'autres copains que venaient se joindre à eux avec des couvercles et casseroles tout ça ça faisait du bruit. 

    Ils s'étaient donnés rendez-vous à 9h chez le Benoît, tous pas pressés de se mettre en route à cause du temps qu'il faisait, ce n'était pas un orage c'était une pluie que tombait averse avec un brouillard aussi noir qu'au fond du four, ils se demandaient s'ils allaient partir... ils disaient tous qu'ils seraient bien mieux dans leur lit que d'aller courir les chemins ! Le Benoit dit « Buvez un coup et nous partons ! » En remontant leur col de chemise et de veste ils allaient vers la mère Suchel elle aura bien 2 œufs à nous donner et sera bien fâchée si on n'y va pas. En arrivant ils se mirent à chanter « Vatia le mâ de mai que les rosiers boutonnent ». La mère Suchel ouvre la porte que dit : « pressez-vous il fait pas bon courir les chemins par ce temps ! Vous en avez du courage ! Allons prenez les œufs dans le corbillon pendant que je vais chercher la gnôle ça vous réchauffera ! » Et les voilà repartis chez la mère Chalumet en chantant « Vatia le mâ de mai que les rosiers boutonnent ». 

    La mère Chalumet que s'était couchée à cause du temps pensait que personne passerait, quand elle entendit tous ces braillons ne fit qu'un bond pour ouvrir la porte. « Entrez dont ne restez pas dehors yé pas possible d'avoir le courage de courir à ce temps ; vous avez bien besoin de prendre quelque chose pour vous réchauffer je vais aller chercher la bouteille d'eau de vie, pendant ce temps prenez donc tous les œufs du corbillon, il ne veut passer personne d'autre. », il y en avait 3 douzaines. Le Benoît avait été chercher un peu de foin pour les ranger dans son panier pour qu'ils se cassent pas. Au bout d'un quart d'heure ils repartirent tout ragaillardis vers la Thérèse.

     Pour aller chez la Thérèse il fallait faire un grand détour, voilà que 2 prennent l'idée de traverser un pré, il fallait grimper le talus en empoignant une branche de frêne mais le raguenet resta accroché dans un ragot de noisetier et ne pouvait pas grimper. Le Fidarse l'attrapa par le bras et tira sur la branche et crac, ils débaroulèrent tous les 2 au fond, le raguenet sa culotte toute déchirée le Fidarse toute la figure écorchée ! Il fallait tout de même rattraper les autres. Quand ils arrivèrent vers la Thérèse ils se mirent à hurler « Vatia le mâ de mai » mais les chiens surpris se mirent à les dévorer ! Ah la la, c'était terrible ! Le Benoît trouva un balai de bé et tapa tout ce qui bougeait. Quand la Thérèse à la porte a vu ce spectacle referma tout de suite la porte, la Thérèse ne connaissait personne les prit pour des cambrioleurs, pousse la table derrière la porte met les chaises, les bancs sur les chaises et tremblait qu'elle ne pouvait plus souffler.


    Ah ! Ils étaient jolis les magnolons ! Le Benoît et sa bande ne demandaient pas leur reste ! Il fallut au moins une demi-heure pour reprendre leur souffle. Ils rentrèrent au petit jour raides comme des piquets et trempés jusqu'aux os !


    samedi 11 juin 2016

    Conte en patois : Le Petit Jules

     
    Voici une compilation des histoires paysannes que racontait Louise Livet (qui, pour la plupart, sont inspirées ou copiées des « Contes de Jean-Pierre » du poète Louis Mercier). Je ne sais pas si elle en a inventées et écrites elle-même.

    Il s'agit de contes relatant la vie paysanne du canton de Belmont de la Loire, dans la région de Roanne dans la Loire (42), dans la première moitié du XX eme siècle. Louise Livet demeurait à Sevelinges. A l'origine tous ces contes sont issus de la tradition orale en patois local, une variante du franco-provençale.
    C'est pourquoi les retranscrire est un exercice difficile : il ne faut pas faire trop attention à la concordance des temps, aux changements de narrateur ou de sujet. De nombreux mots ou expressions sont directement tirés de cette langue et n'existent pas en français.

    Louise Livet fût une conteuse exceptionnelle en patois jusqu'à sa mort en 2016. Ses cahiers, entièrement écrits à la main, cumulent sans doute près de 300 contes.
    Ces petites histoires sont avant tout un témoignage drôle et fidèle de la vie quotidienne des gens à cet endroit là du monde à ce moment là de l'histoire...


    14. Le Petit Jules


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    Le père Thomas que restait du côté de Coublanc dit un jour qu'il en a assez de tisser à la maison, qu'il veut aller dans une usine. Cependant il avait une maison, un jardin et un bout de terre, alors ils prennent une location à Cours près d'une usine, il dit à sa Marie « comme ça j'aurai mes dimanches libres et toi que continuera ton métier de repasseuse tout en gardant le petit Jules. » Quand la location dut prête il demande à un voisin qu'a un cheval d'emmener le mobilier à Cours, ils montèrent tous sur le devant de la voiture, le petit Jules dans son berceau dans le derrière placé dans la table à l'envers, et mirent la bâche. Tout alla pas mal, à la descente ils trottaient, quand de prendre la montée Thomas fit le tour pour voir si tout allait bien, il se mit à faire un cri un hurlement épouvantable que tout le monde sortit aux portes ! Mais qui a donc que crie la Marie était plus blanche qu'une patte !! Le petit Jules n'est plus dans la voiture !! Le berceau a glissé le gamin avec il doit immanquablement être mort ! La Marie lui dit retourne vite sur la route et regarde bien de chaque côté ! Thomas se mit à faire des prières à St Antoine « Faites moi retrouver mon petit Jules je vous payerai d'un cierge gros comme mes cuisses ! » Au bout d'un kilomètre il trouve le berceau sur le bord de la route et le gamin dans le talus la figure dans l'herbe il pleurait mais il n'avait point de mal. Thomas redescendit en courant le gamin dans ses bras ; la Marie riait, pleurait en embrassant son gamin que Thomas venait de lui poser dans ses bras. Le monde disait « il faut avoir fait une rude bombe pour perdre un gamin », depuis ce moment le petit Jules fut appelé « la bombe ».