Voici une compilation des histoires paysannes que racontait Louise
Livet (qui, pour la plupart, sont inspirées ou copiées des « Contes
de Jean-Pierre » du poète Louis Mercier). Je ne sais pas si
elle en a inventées et écrites elle-même.
Il s'agit de contes relatant la vie paysanne du canton de Belmont
de la Loire, dans la région de Roanne dans la Loire (42), dans la
première moitié du XX eme siècle. Louise Livet demeurait à
Sevelinges. A l'origine tous ces contes sont issus de la tradition
orale en patois local, une variante du franco-provençale.
C'est pourquoi les retranscrire est un exercice difficile :
il ne faut pas faire trop attention à la concordance des temps, aux
changements de narrateur ou de sujet. De nombreux mots ou expressions
sont directement tirés de cette langue et n'existent pas en
français.
Louise Livet fût une conteuse exceptionnelle en patois jusqu'à
sa mort en 2016. Ses cahiers, entièrement écrits à la main,
cumulent sans doute près de 300 contes.
Ces petites histoires sont avant tout un témoignage drôle et
fidèle de la vie quotidienne des gens à cet endroit là du monde à
ce moment là de l'histoire...
15. Le Mâ
Tous les ans la veille du
1er mai les jeunes de chez nous se rassemblent par bandes pour
chanter le mois. Dans cette bande de jeunes il y avait le Benoît
Lantere (qu'on appelait comme ça car il n'était jamais pressé), le
« crégnoule » aussi qu'était toujours après se
démortsaquer, « la cliquette » à cause de son dentier
que claqueu toutes les fois qu'il parleu, et puis « le grebi »
qu'avait la peau toute rebit, le grand Dédé qu'était aussi grand
qu'un jour sans pain, le raguenet à cause qu'il n'avait pas grandi,
et d'autres copains que venaient se joindre à eux avec des
couvercles et casseroles tout ça ça faisait du bruit.
Ils s'étaient
donnés rendez-vous à 9h chez le Benoît, tous pas pressés de se
mettre en route à cause du temps qu'il faisait, ce n'était pas un
orage c'était une pluie que tombait averse avec un brouillard aussi
noir qu'au fond du four, ils se demandaient s'ils allaient partir...
ils disaient tous qu'ils seraient bien mieux dans leur lit que
d'aller courir les chemins ! Le Benoit dit « Buvez un coup
et nous partons ! » En remontant leur col de chemise et de
veste ils allaient vers la mère Suchel elle aura bien 2 œufs à
nous donner et sera bien fâchée si on n'y va pas. En arrivant ils
se mirent à chanter « Vatia le mâ de mai que les rosiers
boutonnent ». La mère Suchel ouvre la porte que dit :
« pressez-vous il fait pas bon courir les chemins par ce
temps ! Vous en avez du courage ! Allons prenez les
œufs dans le corbillon pendant que je vais chercher la gnôle ça
vous réchauffera ! » Et les voilà repartis chez la mère
Chalumet en chantant « Vatia le mâ de mai que les rosiers
boutonnent ».
La mère Chalumet que s'était couchée à cause
du temps pensait que personne passerait, quand elle entendit tous ces
braillons ne fit qu'un bond pour ouvrir la porte. « Entrez dont
ne restez pas dehors yé pas possible d'avoir le courage de courir à
ce temps ; vous avez bien besoin de prendre quelque chose pour
vous réchauffer je vais aller chercher la bouteille d'eau de vie,
pendant ce temps prenez donc tous les œufs du corbillon, il ne veut
passer personne d'autre. », il y en avait 3 douzaines. Le
Benoît avait été chercher un peu de foin pour les ranger dans son
panier pour qu'ils se cassent pas. Au bout d'un quart d'heure ils
repartirent tout ragaillardis vers la Thérèse.
Pour aller chez la
Thérèse il fallait faire un grand détour, voilà que 2 prennent
l'idée de traverser un pré, il fallait grimper le talus en
empoignant une branche de frêne mais le raguenet resta accroché
dans un ragot de noisetier et ne pouvait pas grimper. Le Fidarse
l'attrapa par le bras et tira sur la branche et crac, ils
débaroulèrent tous les 2 au fond, le raguenet sa culotte toute
déchirée le Fidarse toute la figure écorchée ! Il fallait
tout de même rattraper les autres. Quand ils arrivèrent vers la
Thérèse ils se mirent à hurler « Vatia le mâ de mai »
mais les chiens surpris se mirent à les dévorer ! Ah la la,
c'était terrible ! Le Benoît trouva un balai de bé et tapa
tout ce qui bougeait. Quand la Thérèse à la porte a vu ce
spectacle referma tout de suite la porte, la Thérèse ne connaissait
personne les prit pour des cambrioleurs, pousse la table derrière la
porte met les chaises, les bancs sur les chaises et tremblait qu'elle
ne pouvait plus souffler.
Ah ! Ils étaient
jolis les magnolons ! Le Benoît et sa bande ne demandaient pas
leur reste ! Il fallut au moins une demi-heure pour reprendre
leur souffle. Ils rentrèrent au petit jour raides comme des piquets
et trempés jusqu'aux os !
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