Voici une compilation des histoires paysannes que racontait Louise
Livet (qui, pour la plupart, sont inspirées ou copiées des « Contes
de Jean-Pierre » du poète Louis Mercier). Je ne sais pas si
elle en a inventées et écrites elle-même.
Il s'agit de contes relatant la vie paysanne du canton de Belmont
de la Loire, dans la région de Roanne dans la Loire (42), dans la
première moitié du XX eme siècle. Louise Livet demeurait à
Sevelinges. A l'origine tous ces contes sont issus de la tradition
orale en patois local, une variante du franco-provençale.
C'est pourquoi les retranscrire est un exercice difficile :
il ne faut pas faire trop attention à la concordance des temps, aux
changements de narrateur ou de sujet. De nombreux mots ou expressions
sont directement tirés de cette langue et n'existent pas en
français.
Louise Livet fût une conteuse exceptionnelle en patois jusqu'à
sa mort en 2016. Ses cahiers, entièrement écrits à la main,
cumulent sans doute près de 300 contes.
Ces petites histoires sont avant tout un témoignage drôle et
fidèle de la vie quotidienne des gens à cet endroit là du monde à
ce moment là de l'histoire...
11. Les embarras du
Tonin
Le Tonin un garçon que
dépassait déjà la trentaine, qu'était timide, il en souffrait
même ! Par contre il avait une sœur la Colette qu'était
hardie, elle n'avait pas peut d'entreprendre les garçons. Ils
vivaient ensemble avec le père et la mère dans une ferme de 6
vaches et une bourrique pour faire les marchés, ils élevaient aussi
un cochon. Un soir le père dit qu'il va se faire couper les cheveux,
pendant ce temps la mère rangea le ménage, la Colette se mit à
coudre, mais le Tonin était appuyé les deux coudes sur la table que
disait rien. La mère lui dit : « à quoi donc que te
penses ? Te penses peut être à marier ? Ce serait bien
temps d'y penser ! C'est pas que tu voudrais rester vieux
garçon ?
- Il faut être 2 pour
se marier dit le Tonin.- Cependant les filles ne manquent pas dit la mère, tiens je vais t'en nommer moi des filles que tu connais : la Benoîte, la Mélanie, la Françoise, La Pierrette, la Mariette !
- Arrête, arrête ! Il n'en faut pas tant ! Une ça suffit. Il y en qu'une qui me plaît et tu ne l'a pas nommée c'est la Marie-Claudine !
- Et bien qui que t'attends d'aller lui parler ! Qu'elle te soit prise ?!
- Seulement je n'ose pas !"
La Colette qu'entendait
fit une ricanée, « Arrête fit la mère, effrontée, si ton
frère est timide toi tu n'y es pas assez. » La mère voulait
s'en mêler de faire les avances, « Non, qu'il dit, je lui
parlerai quand on se rencontrera. » La mère dit « Quand
on tuera le cochon tu lui porteras une fricassée de boudin.
- J'aurai l'air fin de
me présenter avec des boudins !
- Te diras que c'est
pour les remercier des œufs que j'ai été chercher pour couver et
qu'ils ont bien réussi.
- Je ferai ta
commission. »
Au moment de partir il
s'est tellement flanqué une débarbouillée en s'habillant, dit « ma
veste est un peu râpée mais je mettrai ma blouse ça se verra
pas. » Prend ses bottes mais les chemins étaient trop en boue.
Pour éviter de passer par le bourg il prit un chemin qu'était tout
en racines de raquotte qui le faisaient trébucher, une haie épaisse
qui rendait le chemin encore plus noir, il avait regretté de pas
avoir pris une lampe ! Il arriva avec peine au portail toujours
avec son panier au bras ; il était tellement émotionné qu'il
trouvait même pas le loquet du portail ! Il fallait traverser
la cour avant que d'arriver à la maison, mais il apercevait de la
lumière. Un peu avant d'arriver il s'engobilla dans les planches,
voulant bien se retenir mais il s'est élardé de tout son long dans
la boue ! Comme il faisait du bruit en tombant le chien s'est
mis à japper, la mère a ouvert la porte en tenant le chien par le
collier. « Qu'est-ce que c'est que ce tintamarre ! »
Le Tonin que venait de se relever dit : « Excusez-moi je
venais vous voir et je me suis engobillé dans quelque chose et je
suis tombé.
- Vous êtes-vous fait mal ?- Non mais je suis bien sale ! Je n'ose pas entrer je ne suis pas présentable je suis plein de boue.
- Ne vous en faites pas, entrez, donnez-moi votre panier et venez vous laver ! Quittez donc vos bottes on vous donnera des pouffles pour vous réchauffer. »
Le Tonin était bien un
peu honteux de tout ce qui venait d'arriver ! Le père
Jean-Marie que faisait un panier contre le feu lui dit : « Venez
vous asseoir à côté de moi ça vous réchauffera ! »
Ils se mirent à parler de choses et d'autres, quand la mère se mit
à dire : « Vous pensez donc pas à vous marier
Tonin ? C'est-il que les filles ne vous conviennent pas ? »
La Marie-Claudine en a rougi ! La mère dit : « J'ai
fait cuire des châtaignes vous allez en manger avec nous. » Le
Jean-Marie alla chercher 2 bouteilles de bon vin à la cave et le
Tonin buvait ce qui le rendait plus hardi et moins timide. Après ils
sortirent encore la carafe d'eau de vie et le Tonin riait en
racontant des histoires, la mère : « Il faudra revenir
nous voir, vous nous faites passer un bon moment ! » Il
allait partir quand la mère dit « Il faut pas oublier votre
panier ! Qu'y a-t-il donc dans votre panier, ce n'est pas un
petit chat par hasard ? Que dit la mère, nous avons perdu notre
gros matou, il nous en faudrait bien un autre ! »
Le Tonin
dit qu'il en manque pas chez nous, je vous en apporterai la prochaine
fois que je viendrait. Dans le panier il y avait la fricassé de
boudin et bien d'autres choses, vous remercierez bien chez vous... on
la rendra quant on aura tué notre cochon ! De ce jour le Tonin
est venu voir souvent la Marie-Claudine et à la fin de l'année il
se sont mariés.
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