Voici une compilation des histoires paysannes que racontait Louise
Livet (qui, pour la plupart, sont inspirées ou copiées des « Contes
de Jean-Pierre » du poète Louis Mercier). Je ne sais pas si
elle en a inventées et écrites elle-même.
Il s'agit de contes relatant la vie paysanne du canton de Belmont
de la Loire (42) dans la première moitié du XX eme siècle. Louise
Livet demeurait à Sevelinges. A l'origine tous ces contes sont issus
de la tradition orale en patois local, une variante du
franco-provençale.
C'est pourquoi les retranscrire est un exercice difficile :
il ne faut pas faire trop attention à la concordance des temps, aux
changements de narrateur ou de sujet. De nombreux mots ou expressions
sont directement tirés de cette langue et n'existent pas en
français.
Louise Livet fût une conteuse exceptionnelle en patois jusqu'à
sa mort en 2016. Ses cahiers, entièrement écrits à la main,
cumulent sans doute près de 300 contes.
7. La fête à la
Joséphine
Voila que le Philibert
dit à sa femme « Mangeons vite un morceau et je partirai chez
le Claudius (qu'était forgeron) qu'il ma fait, je lui dois mes
grappines, une pioche qu'il m'a reforgée. »
Quand j'arrive chez lui
il était assis dehors il faisait bon, j'y suis resté un grand
moment ! Nous avons discuté tout l'après-midi en buvant un
canon. En me rentournant je vois devant moi un homme qu'allait de
tous les côtés du chemin, que dordillait... je me disais tout à
l'heure il va bien s 'étaler, j'avais pas pensé qu'il fit une
éparafé et roula dans le buisson, je me mets à courir pour le
retirer du fossé et voir qui il était : c'était le moine du
fond du bourg. Je lui dit : « qui donc t'as fait pour te
mettre dans cet état ! C'est presque nuit il faut pas
rester là. »
Il avait une peine à se relever... en se
traînant et en s'appuyant sur ses mains j'ai arrivé à l'attraper à
la brassée et à le mettre debout ! Mais pour marcher !
Tout en le retenant je pousse par derrière, j'avais une peine !
Voilà en le poussant un peu fort il s'étala de tout son long par
terre, il s'empate les deux genoux dans sa culotte toute déchirée,
il saignait de partout. J'avais un mouchoir propre je lui ai empaté
la jambe. Nous voilà reparti, un orage menaçait. Je le prends par
le bras en lui disant « marchons vite ! » mais la
pluie tombait et il était encore plus lourd à traîner ! Quand
on arriva au bourg je vois une lanterne qui venait dans notre
direction que dit : « C'est – y toi »
« Ouais ! » que dit le moine. « C'est -y
des heures pour rentrer moi qui suis en peine ! » Je me
dit c'est pas le moment de rester ici je me suis sauvé en grande
vitesse à la maison.
La semaine d'après en passant devant chez lui
je lui « ça va t'y ? que je lui dis, ça va mieux ?
Ça allait donc pas ?
- Je me suis enrhumé
et j'ai bien toussé ! Si te savait ce qui m'est arrivé
dimanche dernier, figure toi j'avais été souhaité la fête à ma
sœur Joséphine, j'avais ramassé un gros bouquet de coucou et elle
était bien contente, elle m'a payé un bon 4 heures avec fromage à
la crème, des gauffres, avec son Tieno on a bu un bon canon puis la
Joséphine a fait le café, on a bu la goutte, la carafe de cerises.
Quand je suis parti de chez eux j'étais franc saoul je croyais pas
pouvoir revenir, avec ça j'ai pris une belle averse. Heureusement
que j'ai trouvé un homme qui m'a aidé, si je savais celui qui
pouvait être pour lui dire merci ! »
Je lui dis « Cherche
pas c'est moi »
Il me donna mon mouchoir
bien propre et bien repassé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire